La réforme initiée par l’ordonnance du 8 février 2023 représente une transformation notable pour les professions libérales réglementées en France, avec des répercussions spécifiques pour chacune des professions réglementées. Nous nous attacherons ici aux professions d’avocat et de pharmacien. Rappelons que cette réforme a pour objectif d’adapter le cadre juridique de ces professions aux enjeux économiques et sociaux actuels, tout en garantissant la qualité des services rendus et le respect des règles éthiques propres à chaque profession.
1. L’ordonnance du 8 février 2023 : contexte et objectifs
L’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 s’inscrit dans le cadre de la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises), qui vise à moderniser l’économie française. L’objectif principal de cette ordonnance est de simplifier et d’harmoniser les règles encadrant les professions libérales réglementées, tout en renforçant leur compétitivité sur le marché. Cette réforme touche plusieurs aspects essentiels tels que l’exercice en société, les règles relatives aux capitaux détenus par les professions libérales, ainsi que les garanties d’indépendance.
Pour les avocats et les pharmaciens, deux des professions les plus fortement régulées, les décrets d’application apportent des précisions cruciales sur la mise en œuvre des nouvelles dispositions.
2. Les principales mesures de l’ordonnance
L’ordonnance du 8 février 2023 se décline en plusieurs axes :
a) Encadrement des Sociétés Pluri-professionnelles d’Exercice (SPE)
L’une des avancées majeures de cette réforme concerne la création de sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE), qui permettent à des professionnels de différentes disciplines (par exemple avocats, notaires, huissiers) d’exercer ensemble au sein d’une même structure juridique. Cette mesure vise à encourager la collaboration entre professions complémentaires, à optimiser l’offre de services et à répondre aux besoins croissants de transversalité des compétences.
b) Capitalisation et gouvernance des sociétés
L’ordonnance permet également une ouverture accrue des capitaux des sociétés d’exercice libéral (SEL) à des non-professionnels, tout en maintenant des garde-fous pour préserver l’indépendance des professionnels libéraux. Cette mesure ne concerne pas la profession d’avocats. Ainsi, la majorité du capital et des droits de vote reste détenue par des professionnels en exercice, conformément à l’éthique de ces professions.
c) Renforcement de la déontologie
L’indépendance et la déontologie des professions libérales restent au cœur de la réforme. Des mesures renforcent les obligations déontologiques et les sanctions en cas de manquements. Pour les avocats, il est essentiel que ces nouvelles règles ne compromettent ni leur indépendance, ni la confidentialité des échanges avec leurs clients, principes fondateurs de la profession.
3. Focus sur les décrets d’application pour la profession d’avocat
Les décrets d’application, pris dans le cadre de cette ordonnance, précisent les conditions d’exercice des avocats dans les nouvelles structures prévues.
a) Participation aux SPE
Pour les avocats, l’ordonnance et les décrets qui en découlent leur permettent d’intégrer des SPE tout en respectant les règles de la profession, notamment celles relatives au secret professionnel et à l’indépendance. Ces textes prévoient également des mécanismes pour garantir que les avocats conservent une autonomie décisionnelle dans les affaires qu’ils traitent.
b) Adaptation des structures d’exercice
Les avocats ont le choix entre plusieurs formes de structures d’exercice, y compris des sociétés pluri-professionnelles. Toutefois, les modalités d’association avec d’autres professionnels, notamment les experts-comptables, sont encadrées afin de préserver la déontologie et l’indépendance propre à la profession.
4. Décrets d’application pour la profession de pharmacien
En ce qui concerne les pharmaciens, les décrets d’application adaptent la réforme à la réalité de leur profession, en tenant compte de la spécificité du secteur de la santé.
a) Modification des règles de détention du capital
Les décrets permettent une ouverture partielle du capital des sociétés exploitant les pharmacies à des investisseurs non-pharmaciens, tout en assurant que les pharmaciens en exercice gardent la majorité du capital et des droits de vote. Cela vise à dynamiser le secteur, en favorisant l’innovation et l’investissement tout en assurant que la gestion reste sous la direction des professionnels qualifiés.
b) Garanties déontologiques
Comme pour les avocats, la réforme renforce les obligations déontologiques des pharmaciens. La gestion du médicament, la relation avec le patient et le respect des règles de santé publique demeurent au cœur des préoccupations.
5. Conclusion
La réforme opérée par l’ordonnance du 8 février 2023 et ses décrets d’application constitue un tournant pour les professions libérales réglementées, notamment pour les avocats et les pharmaciens. Si l’ouverture accrue des capitaux (les avocats ne sont toujours pas concernés par cela) et la création de sociétés pluri-professionnelles répondent aux besoins d’adaptation économique, les garde-fous mis en place garantissent que l’indépendance et l’éthique de ces professions seront préservées. Cependant, il est essentiel que ces professionnels s’approprient les nouvelles structures pour en exploiter le plein potentiel, tout en veillant à la protection des valeurs fondatrices de leurs métiers. Il est donc impératif que les professionnels concernés soient dûment informés sur les nouvelles opportunités d’exercice mais que les impératifs déontologiques demeurent le socle de leur profession pour leur garantir aussi leur exclusivité d’exercice.