Dans un arrêt du 4 octobre 2023 (Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 04/10/2023, 466887), le Conseil d’Etat précise les apports de la jurisprudence Gamlor (CCA Nancy, 9 octobre 2003, N°98-2182, SA Gamlor).
Dans l’arrêt Collectivision, le Conseil d’Etat considère que « la décision de ne pas verser une rémunération directe à son gérant ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que la société Collectivision ait pu décider, en procédant à la passation de la convention en cause avec la société Sonely, de verser une rémunération indirecte à son gérant en contrepartie de l’exercice de ses fonctions et à ce que, par suite, le règlement des honoraires en litige ait pu, en l’absence de tout appauvrissement à des fins étrangères à l’intérêt de la société, relever d’une gestion d’une gestion commerciale normale ».
En l’espèce, il s’agissait donc de savoir si la convention litigieuse entrait dans la qualification de l’acte anormal de gestion, à savoir « un acte par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt » (CE, Plénière, 21 décembre 2018, Société Croë Suisse, n°402006, p. 467, RJF 2019 n°246, concl. A. Bretonneau).
Comme le souligne le rapporteur public, et pour faire écho à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, si l’acte anormal de gestion et la nullité du contrat peuvent se rejoindre, le juge de l’impôt n’est pas le juge du contrat.
Pour le rapporteur, « la décision de verser à son gérant ou dirigeant une rémunération indirecte plutôt que directe n’emporte pas appauvrissement d’une société. Au contraire, elle peut même, lorsque le montage permet d’éviter le versement de cotisations sociales, réduire la charge liée à la rémunération des fonctions de direction. La pratique est peut-être pendable voire susceptible, si tant est qu’elle n’ait d’autre but, de caractériser une fraude aux cotisations sociales ou de soulever des interrogations sur la TVA déduite, mais elle n’appauvrit pas l’entreprise. Par ailleurs, ne diminuant pas la charge fiscale du point de vue de l’impôt sur les sociétés, le service n’a logiquement pas tenté ici de combattre cette pratique sur le terrain de l’article L. 64 du LPF ».
Ce qui semble également important pour le rapporteur est qu’il n’y ait pas appauvrissement de la société et que la rémunération des fonctions de direction soit l’objet d’une validation émanant des organes compétents, afin d’éviter notamment que celle-ci soit constitutive d’une distribution irrégulière au titre de l’article 111 du C.G.I.
Le Conseil d’Etat retient l’analyse du rapporteur public : le seul constat du doublon des fonctions ne prouve pas à lui seul l’existence d’un acte anormal de gestion dès lors que la preuve de l’appauvrissement délibéré contraire à l’intérêt de la société n’est pas rapportée. La signature de la convention en cause est analysée comme une décision de rémunérer indirectement le gérant en contrepartie de l’exercice de ses fonctions. Dans l’arrêt Gamlor, au contraire, le doublon des fonctions appauvrissait la société sans réelle contrepartie.